Histoire des deux indes
- Mais les nègres sont une espèce d’hommes nés pour l’esclavage. Ils sont bornés, fourbes, méchants ; ils conviennent eux-mêmes de la supériorité de notre intelligence, et reconnaissent presque la justice de notre empire.
- Les nègres sont bornés, parce que l’esclavage brise tous les ressorts de l’âme. Ils sont méchants, pas assez avec vous. Ils sont fourbes, parce qu’on ne doit pas la vérité à ses tyrans. Ils reconnaissent la supériorité de notre esprit, parce que nous avons perpétué leur ignorance ; la justice de notre empire, parce que nous avons abusé de leur faiblesse. Dans l’impossibilité de maintenir notre supériorité par la force, une criminelle politique s’est rejetée sur la ruse. Vous êtes presque parvenus à leur persuader qu’ils étaient une espèce singulière, née pour l’abjection et la dépendance, pour le travail et le châtiment. Vous n’avez rien négligé pour dégrader ces malheureux, et vous leur reprochez ensuite d’être vils.
- Mais ces nègres étaient nés esclaves.
- A qui, barbares, ferez-vous croire qu’un homme peut-être la propriété d’un souverain ; un fils, la propriété d’un père ; une femme, la propriété d’un mari ; un domestique, la propriété d’un maître ; un nègre, la propriété d’un colon ? Etre superbe et dédaigneux qui méconnais tes frères, ne verras-tu jamais que ce mépris rejaillit sur toi ? […]
- Mais l’esclave a voulu se vendre. S’il s’appartient à lui-même, il a le droit de disposer de lui. S’il est maître de sa vie, pourquoi ne le serait-il pas de sa liberté ? C’est à lui à se bien apprécier. C’est à lui à stipuler ce qu’il croit valoir. Celui dont il aura reçu le prix