Les accointances de Heidegger avec le parti national-socialisme en Allemagne, rendent aujourd’hui plus controversé l’aiguillon originel de sa pensée, si bien que, de Être et temps jusqu’à Achèvement de la métaphysique et Poésie, certains y voient des préoccupations politiques en habits philosophiques. Pour eux, la pensée du plus grand philosophe du XXe siècle apparaît moins éclatante en sa teneur philosophique, en raison de sa participation supposée ou réelle au parti nazi d’Hitler, dont les pratiques ont entraîné l’extermination de 6 millions de Juifs, avec comme triste symbole le camp d'Auswitch. On peut, sans doute, comprendre, dans cette perspective la position suivante de Levinas : « Je sais que l’hommage que je rends à Sein und Zeit paraîtra pâle au disciple du grand philosophe. Mais je pense que c’est par Sein und Zeit que demeure valable l’œuvre ultérieure de Heidegger, qui ne m’a produit une impression comparable .Non pas, vous le pensez qu’elle soit insignifiante ; mais elle est beaucoup moins convaincante. »1 Pour mieux se faire comprendre, Levinas ajoute ceci : « Je ne dis pas cela à cause des engagements politiques de Heidegger, pris quelques années après Sein und Zeit, bien que je n’aie oublié ces engagements et que Heidegger ne soit disculpé à mes yeux de sa participation au national-socialisme. »2 Cette précision trahit bien Levinas, quant à sa volonté de ne pas lier l’œuvre du penseur à ses engagements politiques. Sa pensée ultérieure n’est –elle pas l’explicitation de son intuition originelle, à savoir la question de l’être dont Être et temps reste « un langage hésitant ? »3. En vérité, pour Levinas, si l’œuvre du penseur est moins convaincante après Sein und Zeit, c’est en raison du fait que la question de l’altérité n’a plus été explicitement abordée par le penseur. Toute sa pensée semble tourner autour de « la pureté de l’être », laquelle constitue aux yeux de Levinas une idéologie de la pureté raciale, comme le souligne, insidieusement,