Il s’agit d’examiner ici la stratégie du Hezbollah dans cette guerre et les conséquences de ce mois de combat sur la scène politique libanaise. La première question posée est de savoir si le Hezbollah avait prévu les réactions à l’enlèvement des deux soldats israéliens. Deux réponses, en partie contradictoires, ont été données : plusieurs commentateurs israéliens et américains ont prétendu que le Hezbollah avait commis une faute historique en menant cette action ; d’autres, et parfois les mêmes, ont affirmé que celle-ci avait été planifiée avec les autorités iraniennes. Dans une étude établie pour la fondation Carnegie pour la paix internationale, Amal Saad-Ghorayeh rappelle que le Hezbollah avait décrété que l’année 2006 serait l’« année des prisonniers », qu’il avait annoncé depuis longtemps sa volonté de capturer des soldats israéliens pour servir de monnaie d’échange contre des prisonniers libanais (et éventuellement palestiniens). L’action du 12 juillet n’est pas fondamentalement différente de celles qu’il avait menées (ou tenté de mener) les mois précédents ; elle ne dérogeait pas aux règles traditionnelles de l’affrontement entre le Hezbollah et Israël depuis le retrait de ce dernier du Liban en mai 2000. Et, selon Mahmoud Qomati, membre du bureau politique du Hezbollah, celui-ci ne s’attendait pas à l’ampleur de la riposte israélienne.
Est-ce à dire qu’il a été pris totalement par surprise ? Non, répond Saad-Ghorayeh, et la capacité de riposte et de résistance du Hezbollah le confirme. Il y a longtemps que l’organisation s’est préparée à une telle éventualité, qui s’inscrit dans sa vision de la situation régionale : le Hezbollah n’a jamais considéré le Liban comme isolé du Proche-Orient ; il se perçoit certes comme un acteur libanais, mais aussi comme partie prenante d’une confrontation plus large entre, d’une part, Israël et les Etats-Unis (ainsi que leurs alliés arabes), et, d’autre part, les forces qui contestent l’hégémonie occidentale sur la région.