Guadalupe
(en image : original du dessin apparu sur la tunique de Juan Diego)
Les Indiens ont « digéré » le christianisme ; ils l'ont cannibalisé et indianisé profondément et c'est là la forme la plus significative de leur résistance. L'Église a constamment voulu reprendre les choses en main, mais elle s'y prend en indianisant les rites et les croyances. Si bien qu'on aboutit à des formes nouvelles de christianisme, métisses, indiennes et populaires.
Le meilleur exemple nous en est donné par le culte de la Vierge de Guadalupe, encore magnifiquement vivace aujourd'hui. Au départ, il y a le culte aztèque d'une déesse mère, une déesse tellurique, dans un temple érigé sur une colline au nord de Mexico vers les années 1530. Les franciscains y construisent une petite chapelle qui remplace le temple païen. Les Indiens y voient moins un remplacement qu'une sorte de continuité. Et ils commencent à venir en pèlerinage, comme ils le faisaient auparavant. L'Église catholique laisse faire. Au bout d'une vingtaine d'années, l'archevêque introduit subrepticement dans la chapelle une image, une peinture qui représente la Vierge de Guadalupe. Pour les Indiens, cette image constitue une apparition miraculeuse. L'Église attire ainsi les Indiens vers le culte marial. Puis, les années passant, le sanctuaire attire de plus en plus d'Indiens, de métis, de mulâtres et de Noirs.
Pour enraciner plus profondément ce culte sur le sol mexicain dans le contexte colonial, l'Église élabore une légende - une légende fixée en 1648 par un chanoine de la cathédrale de Mexico dans un livre consacré à la Vierge de Guadalupe : on y découvre l'histoire d'un Indien, Juan Diego Cuauhtlatoatzin (« Aigle parlant »), qui serait allé cueillir des fleurs et à qui la Vierge serait apparue ; et lorsque l'Indien rencontre l'évêque de Mexico et qu'il déploie sa cape dans laquelle il avait ramassé ses fleurs, l'image de la Vierge de Guadalupe apparaît imprimée sur le tissu.