Gounelle
Texte :
« Je déclare à la face du ciel que j’en étais innocent… »
J’étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de Mlle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côte de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât ? Personne autre que moi n’était entré dans la chambre. On m'interroge ; je nie d'avoir touché le peigne, M. et Mlle Lambercier se réunissent, m’exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté. Mais la conviction était trop forte remporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu’on m’eût trouvé tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge l'obstination parurent également dignes de punition : mais pour le coup ce ne fut pas par Mlle Lambercier qu'elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard ; il vint. Mon pauvre cousin était chargé d'un autre délit non moins grave : nous fûmes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eût voulu pour jamais amortir mes sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre. Aussi me laissèrent-ils en repos pour longtemps. On ne put m'arracher l'aveu qu'on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l’état le plus affreux, je fus inébranlable. J'aurais souffert la mort et j'y étais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d'un enfant ; car on n'appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant. Il y a maintenant prés de cinquante ans de cette aventure, et je n’ai pas peur d'être aujourd'hui puni derechef pour le même fait. Hé bien ! Je déclare