Que Gide conclue à l'avantage du romancier n'étonnera pas. De fait, si l'on s'en tient à un premier niveau — ce que fait, d'une certaine façon, Elisabeth Roudinesco —, la psychanalyste, dans le roman, échoue. Mais elle échoue pour des raisons largement accidentelles, qui sont la mort de Bronja (objet du transfert) et le circuit par lequel le talisman (objet de la régression) revient à Boris. Il est vrai qu'elle s'y exposait en ne travaillant — ce que lui reproche Édouard — qu'au niveau de l'imaginaire, par déplacement, alors que lui entend réaliser le retour au réel : "[Sophroniska] est trop intelligente pour ne comprendre point que cette nouvelle "béatitude de l'âme" que recherche à présent Boris, n'est pas très différente après tout, de celle qu'il provoquait d'abord par artifice, et que, pour être moins dispendieuse, moins ruineuse pour l'organisme, elle ne le détourne pas moins de l'effort et de la réalisation (…). Je compte beaucoup sur l'atmosphère de la pension Azaïs et de Paris pour faire de Boris un travailleur ; pour le guérir enfin de la recherche des 'biens imaginaires'" (p. 206). Mais la thérapeutique d'Édouard ne donnera pas de meilleurs résultats, et le narrateur le condamne comme Édouard a condamné la psychanalyste. Entre eux, il y a partie nulle, au plein sens du terme : "Je crains qu'en confiant le petit Boris aux Azaïs, Édouard ne commette une imprudence (…). Il a bon cœur, assurément, mais souvent je préférerais, pour le repos d'autrui, le voir agir par intérêt ; car la générosité qui l'entraîne n'est souvent que la compagne d'une curiosité qui pourrait devenir cruelle (…). Ce qui ne me plaît pas chez Édouard, ce sont les raisons qu'il se donne. Pourquoi cherche-t-il à se persuader, à présent, qu'il conspire au bien de Boris ? Mentir aux autres, passe encore ; mais à soi-même ! Le torrent qui noie un enfant prétend-il lui porter à boire ? … Je ne nie pas qu'il y ait, de par le monde, des actions nobles, généreuses, et même désintéressées ; je