Georges bataille
« Le plaisir, c’est le paradoxe ».
Le plaisir — c’est-à-dire l’orgasme — permet selon Georges Bataille d’ « embrasser la totalité » sans laquelle l’homme ne se trouve « qu’en dehors ». Dans le même temps, la totalité reste « pourtant indéfiniment hors d’atteinte ». Par ce paradoxe se joue un désir aux allures d’asymptote : le plaisir dans les œuvres de Bataille est presque constamment évité. En effet, l’érotisme bataillien coïncide avec un fantasme de totalité. Le désir, se fondant sur une « faille » première, tend vers la coïncidence improbable du Je et du Tout : son paradoxe est de s’articuler avec le plaisir en une dialectique adversative. L’orgasme paraît en effet impropre à résoudre la tension sexuelle car il dérobe le « Tout » — vers lequel tend l’érotisme — par un insidieux glissement. La rupture dont il procède ne transcende pas la quête érotique mais la dévie de son appétit de totalité absolue.
Or « l’Impossible » — cette rupture fondamentale infligée au champ du possible — se révèle comme le lieu majeur de focalisation érotique chez Georges Bataille. En effet, « la véritable nature de l’excitant érotique ne peut être révélée que littérairement, dans la mise en jeu de caractères et de scènes relevant de l’impossible ». L’érotisme bataillien relève donc de l’excitation et non de la résolution ; il trouve sa véritable nature par la littérature. L’érotisme tend enfin vers l’impossible et non vers le plaisir (but ou conséquence ordinaires de l’érotisme).
Le plaisir bataillien s’articule alors en un fascinant paradoxe : son exclusion est la condition première de l’érotisme, lequel ne se conçoit que dans les errances du désir. Récusé par l’érotisme au profit de l’Impossible, il constitue dans son éviction la possibilité de la littérature érotique, et dans sa potentialité ou sa réalité un « extrême du possible ». Il n’est pas « l’abolition des limites charnelles » mais le signe même de la limite