STRUCTURE DU GARGANTUA | | | | n a souvent dit combien la composition des romans de Rabelais ressemblait à celle des romans de chevalerie, décrivant en trois temps la vie de ses héros: la naissance, l'enfance et l'éducation, l'expérience et les prouesses. Certes le Gargantua suit très schématiquement ce plan, et ce respect témoigne certainement d'une intention parodique. S'arrêter là pourtant, c'est, je crois, voir les choses de loin: la naissance du héros tient en deux chapitres (VI et VII), ce qui est peu pour une partie. En fait la division ternaire vaut, mais d'une autre façon, qui n'exclut d'ailleurs pas le schéma précédent. Les vingt-cinq premiers chapitres ont pour centre le personnage de Gargantua: naissance, enfance et éducation sont présentées, d'abord par une description burlesque, puis grâce à l'un des thèmes romanesques essentiels, le voyage. Enfermé dans le cercle familial, le héros ne progresse pas, n'apprend rien; tout change au moment où il quitte le toit paternel pour faire l'expérience des hommes. D'une certaine manière la route est déjà l'école de la vie, et Rabelais exploite ce qui sera la base des romans picaresques. Récit d'un apprentissage, ce premier temps comprend trois mouvements : la prime enfance, les mauvais maîtres, les bons maîtres; cet ordre lui confère un ton où la satire domine.Les vingt-cinq chapitres suivants content la guerre picrocholine; une fois le héros « institué », il affronte le monde, non plus pour s'instruire, mais pour en combattre le mal. Incident originel, victoire temporaire des mauvais, victoire finale des bons, permettent à Rabelais de parcourir, à sa manière, les étapes normales d'une épopée. Le centre de cet épisode n'est plus le seul Gargantua, Picrochole, l'adversaire, et surtout Frère Jean, l'associé, jouent des rôles essentiels. Les événements ne se rapportent pas tant à l'éducation qu'à la politique. Restent les huit chapitres de la fin, qui décrivent l'abbaye de Thélème, récompense accordée au moine