Frankenstein
Son système narratif est fondé sur une série de récits en abyme enchâssés les uns dans les autres. Le cadre général est celui d'une tentative d'exploration polaire par Robert Walton ; à l'intérieur se situe l'histoire de la vie de Victor Frankenstein, recueilli par l'explorateur sur la banquise ; enfin, cette dernière recèle la narration faite à Frankenstein par le « monstre » qu'il a fabriqué et auquel il a donné l'étincelle de vie, et en particulier celle des tourments endurés par cette créature qui nourrit envers son créateur une haine tenace, mais à ses yeux justifiée.
Dès sa parution, Frankenstein est catalogué en roman gothique et, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d'œuvre. La vague gothique, qui a pris naissance avec The Castle of Otranto de Horace Walpole (1764), puis Vathek de l'aristocrate William Beckford (1787)1, ensuite trouvé un sommet avec les ouvrages de Mrs Radcliffe (1791-1797) et quelque sursaut avec Le Moine de Lewis (1796), est alors très nettement sur le déclin. De fait, le gothique est décrié et Mary Shelley, en lui donnant son dernier grand roman, du même coup, marque sa fin2. Après elle, le roman passe à autre chose ; il devient historique avec Walter Scott et plus tard réellement romantique avec les sœurs Brontë. Le gothique persiste cependant au sein du roman victorien, en particulier chez Wilkie Collins et Charles Dickens, mais seulement à l'état de relents2.
Avant 1818, en effet, au moment de la composition de Frankenstein, le genre passe pour de mauvais goût, voire pour franchement risible. En conformité avec les mises en garde d'Edmund Burke3, on a, semble-t-il, franchi la limite entre le fantastique et le ridicule. Ainsi, Coleridge, familier des Godwin, donc de Mary Shelley, écrit dès 1797, à propos du roman de M. G. Lewis, Le