Football tout un art
Pour bien rendre sensible la nature et la portée de cette distinction, donnons quelques exemples. […]
Un campagnard a besoin d’eau potable et en désire. La source jaillit à une certaine distance de sa maison. Pour se procurer l’eau dont il a besoin, il peut employer différents moyens. Ou bien il ira lui-même chaque fois à la source et il boira dans le creux de sa main. C’est le moyen le plus direct. La jouissance est obtenue immédiatement après la dépense de la peine. Mais il est incommode car notre homme doit journellement faire le chemin jusqu’à la source autant de fois qu’il aura soif ; il est, en outre, insuffisant car de cette façon, on ne peut jamais recueillir et conserver la quantité d’eau assez grande dont on a besoin pour toutes sortes d’usages. Ou bien –et c’est le second moyen- le laboureur creuse dans un bloc de bois un seau dans lequel il portera en une fois de la source à la maison l’eau nécessaire pour la journée. L’avantage est évident mais, pour l’obtenir, il a fallu se servir d’un moyen détourné qui a son importance. L’homme a peut-être dû passer toute une journée pour tailler le seau et, pour pouvoir le tailler, il a dû auparavant abattre un arbre dans la forêt ; pour pouvoir faire cela, il lui a fallu d’abord fabriquer une cognée et ainsi de suite. Mais notre campagnard a encore un troisième moyen à sa disposition ; au lieu d’abattre un arbre, il en abat une quantité, il les creuse tous au milieu et en fait un canal par lequel il amène devant sa maison un filet abondant de l’eau de la source. Il est clair qu’ici le détour qui va de la dépense de travail à l’acquisition de l’eau est encore bien plus considérable mais en revanche il a conduit à une amélioration : notre homme n’a plus du tout besoin maintenant de faire péniblement le chemin qui sépare sa maison