Florence DUPONT, « Antiquité, territoire des écarts », printemps 2012. L’Antiquité centre et origine de la civilisation occidentale. L’Antiquité aussi bien grecque que romaine a longtemps servi d’origine à la civilisation occidentale. La Grèce puis Rome auraient tout inventé de ce qui constituerait aujourd’hui notre supériorité - les mathématiques, la philosophie, la démocratie, le droit, la liberté, l’écriture alphabétique, le théâtre, etc. Les lettres anciennes étant le patrimoine de l’Europe, elle se devait de les conserver et transmettre, en gage de continuité et d’identité ; la culture humaniste servait à former l’homme occidental et les citations classiques fournissaient, fournissent encore, les lieux communs de la morale et de la politique. C’est pourquoi, en contre-point, toute révolution intellectuelle, toute pensée moderne imposait de rompre avec cette tradition. Ses défenseurs comme ses détracteurs avaient placé l’Antiquité au centre de l’identité européenne à laquelle elle apportait modèles et normes. Toute étude de l’Antiquité consistait donc à y retrouver les valeurs et catégories d’analyse de la culture majoritaire. C’est pourquoi beaucoup d’antiquisants étaient politiquement et culturellement conservateurs. Quant aux antiquisants de « gauche », leur position était en fait intellectuellement comparable. Ils ne remettaient pas en question la filiation directe qui enracinait l’Occident dans la Grèce et dans Rome. Jusqu’aux années 60, quand un antiquisant s’intéressait aux esclaves, parce qu’il voulait travailler sur les oubliés de l’Histoire, il les pensait automatiquement en termes de classe économique1. C’est le syndrome de Spartacus. Il en était de même des peuples conquis par Rome étudiés comme des nations colonisées du XXème s. et dont il convenait de faire l’histoire de leur oppression et de leur résistance 2. Syndrome de Jugurtha. Antiquité éternelle et anachronique, conservatoire d’un humanisme prétendant à l’universel. Il convenait d’y