demeure, aujourd’hui encore, l’un des nombreux reliquats théoriques issus de la division des sciences sociales en disciplines académiques. Il existerait ainsi des sociétés dont les traditions, vouées aux fluctuations irréfléchies, s’apprendraient par le seul truchement du discours, tandis que les autres, après avoir inventé l’écriture, sauraient archiver de manière fiable leurs connaissances, au moyen d’une mémoire externe modifiant radicalement les processus de stabilisation de la culture. L’anthropologie contemporaine permet de reconsidérer entièrement cette distinction en nous invitant à placer au cœur de nos préoccupations le problème des modalités de la transmission culturelle. Il devient alors banal de rappeler que la diffusion des traditions s’effectue aussi bien par le discours que par d’autres formes de communication telles que les gestes ou les images artificielles. Cela est particulièrement vrai des traditions rituelles qui, au contraire des narrations mythiques circulant de manière essentiellement discursive, font la plupart du temps un riche usage de la gestualité et de l’image au sein même de leurs procédures de transmission. Mais une attention accrue aux techniques d’apprentissage du savoir rituel nous conduit également à prendre au sérieux toute une série de technologies mnémoniques qui doivent être radicalement distinguées de l’écriture et qui se trouvent être mises en œuvre dans de nombreux contextes de transmission des discours rituels. L’enquête que nous allons mener a d’abord une visée proprement anthropologique : elle nous permettra d’analyser les relations souvent complexes qu’entretiennent les discours et les artefacts dans un contexte rituel. Toutefois elle s’inscrit également dans une problématique historique : ces relations entre discours et images ne seront abordées que dans la mesure où elles furent modifiées, recontextualisées et stabilisées par les sociétés qui en faisaient usage. Le projet de ce livre est apparu clairement suite à la