fenelon
Votre simplicité et votre générosité m'ont touché et je vous serai éternellement reconnaissant de tout ce que vous avez partagé avec moi.
Certes, la Bétique est un pays merveilleux, idyllique, et vous êtes un peuple très vertueux. Vos mœurs sont paisibles et justes, vous vous contentez de ce que vous offre une nature luxuriante qui vous chérit particulièrement. Vous refusez tout superflu, tout luxe, que vous considérez comme la source de tous les vices et du malheur qui agitent les autres peuples. Vos désirs se bornent à ce qui vous est nécessaire et vous avez ainsi trouvé, loin de tous, le chemin du bonheur en faisant le choix de la frugalité.
Dans votre société, non seulement vous ne jouissez d'aucun de ces biens, mais en plus, votre mode de vie conduit à une certaine uniformisation. Vous n'avez pas le choix de votre métier, vos maisons, vos vêtements se ressemblent. Votre société manque de diversité, les individus ne peuvent y affirmer leur personnalité, leur originalité… et je crois que cela me manque. Ce qui me manque également, ce sont les échanges avec d'autres peuples, d'autres cultures. Votre pays vit replié sur lui-même, en autarcie, mais il me semble que la découverte des autres, de leurs mœurs, de leurs savoirs constitue un enrichissement inestimable pour tout individu. D'ailleurs, sans cette curiosité, vous aurais-je découverts ? Aurais-je compris à quel point il est important de savoir aussi se contenter de plaisirs simples pour ne pas succomber à la cupidité ?
Mais, pour être tout à fait honnête avec vous, il me semble qu'il y a quelque chose d'excessif dans votre mode de vie. La monotonie de votre climat et de votre vie si bien réglée ont fini par me lasser quelque peu. Je crois qu'il me faut du changement, que je désire « autre chose ». Ce bonheur égal et uniforme dans lequel vous vivez me paraît au fond à la limite de l'humanité. D'ailleurs, un homme dont les désirs sont bornés