Explication d’un document d’histoire la grande guerre vue par un poilu
Doc. Š un extrait des carnets de Louis Barthas « Quelques instants après, je regagnai mon cantonnement et j’y cherchai un coin le plus écarté possible pour m’y coucher. Le long d’un mur, de nombreux sacs pleins d’avoine étaient empilés. Je m’y juchai tout heureux d’avoir une si bonne place […] : le long du mur, des poutres, du sol, des frôlements semblaient converger vers moi et aussitôt ce furent des grignotements, des petits cris joyeux, des galopades, le long de mes jambes, sur tout mon corps, sur mon visage ; c’étaient tous les rats du quartier rassemblés pour leur régal sans doute quotidien. En vain j’essayai de les effrayer en allumant brusquement ma lampe électrique, en frappant à tort et à travers avec un gourdin ; à peine avais-je éteint ma lampe et posé mon gourdin que la bande de plus en plus nombreuse de ruait au festin. Vaincu, je dus déménager pour me coucher le long d’un mur. Mais pourquoi le propriétaire de cette avoine ne s’apercevait-il pas qu’en quinze jours ou en quinze nuits il n’en resterait pas une poignée ? Je cessai de m’étonner quand le lendemain un voisin me dit que c’était de l’avoine réquisitionnée et payée ; alors, qu’elle passât sous les dents des rats ou des cheveux, cela n’avait pas autrement d’importance, n’est-ce pas ? Condé en Barrois avait marqué le point extrême de l’avancée allemande en 1914 dans cette région. Cinq Uhlans1 venus en reconnaissance avaient été abattus à l’entrée du village, sur le pont ; les habitants s’étaient tous enfuis ; on me conta qu’un soldat d’infanterie de marine s’était déguisé en civil et installé chez un marchand de vins en gros, avait débité tout le pinard à un prix tellement réduit – tout était pour lui bénéfice – que le lendemain, dans un combat engagé dans un bois à proximité, les hommes du détachement étaient dans un état tel qu’il se firent massacrer ou fuirent déplorablement. La supercherie du pseudo-débitant fut