Evolution des intellectuels
C'est fini! nous annonce Régis Debray. La comédie a assez duré. Dans I.F. [Intellectuel Français] suite et fin (Gallimard), il crache le morceau: après avoir commencé dans le panache au début du siècle, l'épopée intellectuelle française a sombré dans l'erreur, le délire, et s'achève aujourd'hui dans le ridicule. Cela ne rime plus à rien, il vaut mieux arrêter le spectacle et quitter la scène.
Contrairement à La Trahison des clercs (1927), de Julien Benda, qui exhortait les intellectuels à rompre leurs complicités avec les passions politiques, ou à L'Opium des intellectuels (1955), de Raymond Aron, qui les invitait à ouvrir les yeux sur les réalités de leur religion marxiste, Régis Debray estime qu'il n'y a plus rien à faire. Son petit livre sec et brillant ne laisse pas plus d'espoir qu'un rapport d'anatomie pathologique: le cadavre de l'Intellectuel Français s'agite encore, il prend des poses et fait des manières, mais ce n'est plus qu'un spectre grotesque.
I.F. suite et fin est en partie autobiographique. Régis Debray pratique depuis quelque temps déjà la pénitence, déçu qu'il est de vivre aujourd'hui un temps de basse Histoire et inconsolable de n'avoir pas su, dans sa jeunesse, reconnaître les derniers monuments historiques encore vivants. Dans ce livre écrit dans une langue étincelante de classicisme, il préfère recourir au vulgaire pour son propre cas: «J'ai déconné à pleins tubes.» On pourrait donc soupçonner l'ancien compagnon de route de Che Guevara et l'ex-conseiller spécial de François Mitterrand d'en rajouter dans la flagellation et d'en rêver un usage collectiviste. On