Eugénie grandet

606 mots 3 pages
Grandet : Le tonnelier-vigneron de Saumur est redoutable de froideur et d’obstination. Bégayer afin de mieux tromper ses clients, économiser la chandelle, accumuler et passer ses nuits à contempler l’or, manier ses louis, ses doublons et ses ducats, ces traits ne sont mesquins qu’à la fin : ils montrent l’usure accomplie par le temps sur un personnage fort. C’est l’avarice et non l’avare que veut montrer Balzac. L’avarice est un mode d’existence qui détruit tout chez Grandet. Il empêche le mariage de sa propre fille, l’enferme et la spolie, tue lentement sa femme, écrase ses semblables de Saumur à Paris.
Mais l’avarice est dynamique : l’argent est «vivant, ça produit» (pages 199-200) ; il fait de Grandet un «homme de bronze» qui n’entasse pas comme Harpagon, qui spécule, qui transporte les fonds (deux fois en brouette !), qui les transforme. Il lui insuffle aussi le génie de la stratégie auquel Balzac consacre l’essentiel du portrait : comment obtenir de Des Grassins en passant par Cruchot qu’on vende la rente à Paris (pages 132 à 147) ; comment faire renoncer Eugénie à l’héritage maternel (pages 217 à 230). Cette stratégie trouve sa force dans d’apparentes faiblesses, même physiologiques (page 133 : le bégaiement est une tactique).

Eugénie : Le titre indique bien que c’est cependant Eugénie qui est l’héroïne du roman. Sa discrétion et sa générosité sont peintes avec une grande délicatesse. Son mode de vie, son silence, son physique sont ternes, mais c’est justement sur un vide que peuvent s’exercer les effets physiologiques et mentaux de cette autre monomanie qu’est l’amour. Balzac la fait naître (page 82), la fait apparaître physiquement dans le roman (page 76, après l’arrivée de Charles), lui permet de juger son père (page 107), enfin de trouver le seul mode par lequel elle puisse s’opposer à lui : la dépense, le don (à Charles, puis aux pauvres).
Mais cette lutte ne peut être dramatique, une lutte d’égal à égal, que parce qu’elle ressemble à son père : le

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