Etude poeme sois tranquille cela viendra
tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin
du poème, plus que le premier sera proche
de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin.
Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches
ou reprendre souffle pendant que tu écris.
Même quand tu bois à la bouche qui étanche
la pire soif, la douce bouche avec ses cris
doux, même quand tu serres avec force le noeud
de vos quatre bras pour être bien immobiles
dans la brûlante obscurité de vos cheveux,
elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux,
de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille,
elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.
(L'Effraie, éditions Gallimard)
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Introduction
Ce poème est le dernier du groupe de cinq sonnets qui ouvrent L’effraie.
· Comme dans les précédents, trois motifs s’y entrecroisent : la mort, l’amour et la poésie. Mais, plus particulièrement, ce poème met l’accent sur le caractère inexorablement destructeur du temps auquel nul bien ne résiste. Ni la poésie, ni l’amour ne peuvent en protéger. On observera que le temps n’est (indirectement) désigné comme assurant l’ouvrage du mourir que dans les quatre derniers mots du poèmes.
· Il incombe ici à une prosodie traditionnelle (alexandrins rimés, recours à la forme du sonnet – mais irrégulier) et à un système de reprises insistantes (anaphores, allitérations…) de souligner l’écoulement inexorable du temps, cependant qu’un jeu subtil de ruptures (rejets, contre-rejets, enjambements, césures, brusques changements de ton) manifeste la manière dont il perturbe et défait la vie, aussi bien que la vanité des tentatives humaines de s’y soustraire.
· Ce poème est à la fois une adresse et une méditation : une méditation en forme d’adresse (à soi-même, voire au couple amoureux), ou une méditation adressée. C’est dire toute l’importance qu’y prend la réflexivité lyrique, soutenue par le déguisement du « je »