Etude linéaire du prologue de la profession de foi du vicaire savoyard
La morale et la religion, pour Rousseau, doivent pouvoir nous promettre le bonheur. Le mal existe bien, mais moins qu'on ne le croit communément, et la foi permet d'espérer sa disparition pour chacun et en chacun. La réalité du mal renforce la foi au lieu de la mettre en doute, et cette foi prétend au bonheur. La question religieuse est donc une question de morale eudémoniste - c'est-à-dire qu'elle a comme enjeu le bonheur de l'homme - en ce monde autant que dans l'au-delà. Cette prise de position de la Profession de foi du vicaire savoyard se situe dans la continuité des positions antérieures de Rousseau. Celui-ci a en effet toujours revendiqué « les mêmes croyances positives fondamentales : le sentiment religieux de la nature, la foi en Dieu, l'espoir d'une autre vie et sa valeur consolante, la conviction de la liberté, de la valeur de la l'égard des athées comme des intolérants, et aussi la même exigence d'indépendance et de sincérité intellectuelle[1] ». Ces principes ne sont pas absolument originaux ; les uns et les autres ont déjà été affirmés par toute la sensibilité religieuse des Lumières. Mais lorsqu'il publie la Profession de foi du vicaire savoyard, insérée dans le livre IV de [Emile, en 1762, Rousseau leur donne une force inédite, spécialement parce qu'il conteste les religions établies d'un point de vue également religieux, et non en libertin ou en athée. C'est d'ailleurs bien la Profession de foi du