Etre heureux
C’est curieux comme les hommes ne savent pas se contenter de ce qu’ils ont. Il leur en faut toujours plus : de temps, de calme, d’espace, de stabilité. Sans doute ce dernier terme est-il le plus symptomatique. C’est ce qu’on imagine être le bonheur.
Nous voudrions être heureux. Nous aimerions la paix, le repos, une satisfaction solide et durable, quelque chose qui ne soit pas sans cesse perturbé, mais est-ce possible ? Viser cet idéal de satiété, n’est-ce pas se condamner à le rater ? Vouloir le bonheur serait la chose la plus paradoxale qui soit : à cause de lui, nous en voulons plus – et nous nous en éloignons !
Car c’est une idée bien vague, si vague qu’elle conduit à désirer ce que nous ne pouvons pas réellement penser. Qui sait ce qu’est le bonheur ? Qui peut nous le dire ? C’est pour chacun la totalité de ce qu’il peut souhaiter. Mais comment pouvons-nous savoir tout ce que nous pourrions souhaiter ?
Bien sûr, nous avons une idée de ce que nous aimons. Nous goûtons aux plaisirs du confort et de l’argent, à ceux de l’amitié et de l’amour. Mais qui sait si cela suffit ? Nous ne pouvons pas, du haut de nos petites expériences limitées, nous faire l’idée d’un bonheur complet. Nous n’aurons jamais l’assurance que nos souhaits égaleront cette belle totalité…
Car la richesse peut rendre heureux ou malheureux, l’ami peut réjouir comme trahir, l’amant nous enchanter puis nous lasser… Les expériences changent. Comment pourrions-nous donc avoir du bonheur une idée arrêtée ?
Le bonheur n’est pas inaccessible, mais inconnaissable. Peut-être faut-il en accepter simplement les surprises. Ne nous rendons pas malheureux à cause du