Etas unies
Le pouvoir américain serait l’instrument qui allait « sonner le glas de la révolution iranienne »,selon la formule utilisée par William Kristol, un éminent commentateur conservateur, en mai 2003. La défaite iranienne permettrait de faire d’une pierre deux coups : elle affaiblirait le moral des Arabes et des musulmans en même temps que les forces de la résistance islamiste. Les Arabes deviendraient dociles, et tout le Proche-Orient basculerait, comme autant de dominos.
Malgré la coopération de Téhéran avec Washington lors des guerres en Afghanistan (2002) et en Irak (2003), il n’est pas surprenant que, les tentatives iraniennes d’aboutir à un « accord global » avec les Etats-Unis aient toutes été rejetées ou compromises par des membres éminents de l’administration Bush. La proposition iranienne de 2003 d’ouvrir des négociations entre les deux pays sur tous les sujets — programme nucléaire, soutien au Hamas et au Hezbollah, reconnaissance d’Israël, ingérences américaines, etc. — était une reformulation nuancée d’une proposition antérieure d’établir un partenariat et d’entamer une discussion sur toutes les questions faisant l’objet de désaccords.
En interprétant l’épisode de 2003 comme le signe que la « pression marchait » sur l’Iran, que l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak avait poussé Téhéran à proposer de desserrer ses liens avec la résistance et à accepter Israël, Washington commettait une erreur et s’enfermait dans une vision manichéenne : les « modérés » de la région contre l’« extrémisme » islamiste. Ce schéma entraîna la polarisation en deux blocs. En tentant de briser la résistance du monde musulman à leur vision libérale de l’avenir, les Etats-Unis et leurs alliés européens ont suscité des mobilisations de masse contre leurs projets. Ils ont aussi radicalisé l’hostilité envers l’Occident. Les antipathies imaginaires pourraient devenir bien réelles.
ALASTAIR