Est-il possible de penser sans langage ?
L’opinion commune nous amènerait à croire que la pensée peut exister sans langage. En effet, prenons comme exemple les sourds-muets ; nés ainsi, ils peuvent, au terme d’un processus d’acquisition, communiquer et exprimer ce qu’ils pensent et ressentent grâce à un ensemble de signes. Ainsi, on pourrait croire que les sourds muets pensent sans langage puisqu’ils arrivent à exprimer ces pensées intérieures sous forme extérieure grâce à des signes ; seulement on croit qu’ils n’ont pas de langage puisqu’ils n’émettent de sons. Or, il ne faut pas confondre langage et parole. La parole est l’acte individuel par lequel s’exerce la linguistique, et par lequel l’homme émet des sons. Et la linguistique explique le langage comme un ensemble de signes. On peut donc bien réfuter la thèse selon laquelle les gens pensent que les sourds-muets n’ont pas de langage puisqu’ils en ont en réalité un, propre à leur handicap ; le langage des signes.
Est-il alors possible de penser sans langage ? La pensée et le langage sont-elles deux choses totalement indépendantes ? Ou à l’opposé se complètent-elles, vont-elles ensemble ?
Dans un premier temps, nous approfondirons les notions de pensée et de langage afin de voir en quoi elles peuvent être indépendantes l’une de l’autre, puis dans un second temps nous verrons en quoi elles se complètent. Enfin, nous tâcherons de répondre à la question posée dans une conclusion.
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Le concept de « pensée » peut être traité de deux manières différentes ; au sens strict, c’est la pensée intellectuelle, c’est-à-dire la pensée qui passe par les idées, par les concepts, par les mots ; c’est le jugement, et au sens large, la pensée désigne tout phénomène conscient, comme par exemple l’imagination ou encore la perception. L’homme cherche un sens, il se pose des questions. La pensée, « le dialogue intérieur de l’âme avec elle-même », disait Platon, s’efforce de maîtriser le monde et de se comprendre soi-même.