Errata de g. steiner
Philologue, philosophe, romancier, fellow au Churchill College de l’Université de Cambridge et professeur de littérature comparée à Genève, George Steiner arpente le monde des lettres et des arts avec la foi désolée d’un croyant qui voit son église se déliter sous l’action du temps et les coups des barbares. Né à Paris, d’un père tchèque, financier d’un certain renom, et d’une mère viennoise, il appartient à la bourgeoise juive, laïque, en exil, incarnant, en son cosmopolitisme, son plurilinguisme, l’univers de la « culture européenne » décrit par Stéphan Zweig dans Le monde d’hier. La Diaspora est son idéal. Sa prière est que le Messie ne vienne jamais ; Jérusalem, toujours présente à sa mémoire et à son cœur, est l’horizon d’une Terre que l’on ne peut atteindre. Car il est partout chez lui, le philosophe, où il trouve une table de travail et des livres qui l’attendent.. Mais en disciple de Rachi, il fait la sourde oreille lorsqu’il demande son chemin, pour être bien certain de ne pas trouver la route : sa vocation est d’être errant. Luftmensch, dit-il lui-même, ironiquement: non pas homme de rien mais homme du vent.
Errata se présente comme une sorte d’autobiographie intellectuelle de George Steiner, le récit de ses erreurs, des errances mais aussi des errements de Paris, à Chicago, de New York ou Yale à Londres. L’auteur procède à une récapitulation, une actualisation des vues, des thèses, des motifs développés dans des essais antérieurs. La pensée est peu systématique, l’anecdote parfois remplace la démonstration, mais elle est rythmée par des leitmotive qui font écho à des écrits, à des dits antérieurs. C’est l’homme d’un certain âge - et d’une notoriété qu’il ne feint pas d’ignorer - qui s’exprime ici : il ne veut pas convaincre mais résumer, répéter, nuancer, repérer dans sa vie intellectuelle, c’est-à-dire sa vie tout entière, quelques lignes de force à destination d’un public élargi, attiré par le parfum