Piaf n'était pas seulement Piaf. Elle était dans le sillage d'une époque qui créait des Cocteau, des Sartre, des Chagall. Mieux, Piaf elle-même créait des Montand, des Aznavour, des Bécaud... Piaf, c'était la France, sans marketing ni hit-parade. Avec le talent et la passion, c'est tout. Née le 19 décembre 1915 dans le 20e arrondissement de Paris, d'un père artiste de cirque itinérant et d'une mère chanteuse de rue, Edith Gassion vit une enfance misérable, d'abord brinqueballée entre ses grand-mères avant de finalement rejoindre son père à la fin de la guerre et de commencer avec lui une vie de saltimbanque. Elle découvre alors progressivement le pouvoir de sa voix sur le public et dès l'âge de 15 ans elle décide de tenter sa chance seule dans les rues de la capitale, interprétant de façon instinctive les grands succès des chanteuses réalistes à la mode (Fréhel, Marie Dubas). C'est là qu'elle est repérée par Louis Leplée, directeur d'un des cabarets les plus chics des Champs-Élysées, le Gerny's, qui l'engage aussitôt et dans la foulée lui permet d'enregistrer son premier 78 tours, Les mômes de la cloche. La "Môme Piaf", comme on l'appelle alors, remporte un succès immédiat. Entourée d'auteurs talentueux comme Marguerite Monnot ou Henri Contet, et sous la houlette de Raymond Asso qui prend alors en main sa carrière, la pousse à révéler toutes les potentialités de sa voix exceptionnelle et à travailler ses talents d'interprète dramatique, la petite chanteuse va en quelques mois se métamorphoser en Edith Piaf. Elle signe ses premiers grands succès (Mon Légionnaire ), triomphe à l'ABC et à Bobino, tourne ses premiers films (La Garçonne ) et devient la coqueluche du tout-Paris artistique et intellectuel (Jean Cocteau notamment saisit d'emblée ses talents innés de tragédienne et écrit spécialement pour elle la pièce Le Bel indifférent, qu'elle crée en 1940). Quand la guerre éclate, Edith Piaf est déjà la plus grande star de la chanson française – statut qui ne fera