Economies morales et sciences sociales
2012/2013
Les réflexions sur la morale ont longtemps été l’apanage de la philosophie et de la religion. Ces dernières appréhendaient la question souvent dans une optique prescriptive, c’est-à-dire en cherchant à savoir quel comportement ou quelle action était juste et bonne, tout en discutant de la relation entre raison et sentiment. Les sciences sociales commencent à s’intéresser à la question au début du XXe siècle. Pour Emile Durkheim le fait moral était travaillé par une dualité. La société était régie par des règles qui étaient respectées à la fois par conformité mais également grâce à une certaine adhésion. Ainsi, le fait moral serait soutenu par le devoir et le désir. Cette double dimension sera plus tard étudiée par les anthropologues dans différentes sociétés à travers le monde. Les ethnographies récentes ont apporté de nouveaux éléments qui ont remis en question les études précédentes sur la morale. D’abord, la conception monolithique de la morale a été battue en brèche, les observations rapportées montrent que les sociétés produisent des ensembles différents de normes et de valeurs qui entrent en concurrence. Ensuite, les individus adaptent leurs actions en fonction du rapport qu’ils vont établir entre ces différents ensembles de règles et les situations particulières auxquelles ils sont confrontés. C’est un processus dans lequel peut apparaître une expression des affects, voire des conflits. Ainsi, nous proposons d’analyser ce concept d’économie morale, récent mais dont la trajectoire et les utilisations sont riches et diverses. Cela amenant souvent à des incompréhensions et à considérer les économies morales comme un lieu-commun des sciences sociales. Depuis plusieurs années, Didier Fassin propose de revenir sur ce concept en le définissant suivant ses vicissitudes pour ainsi mettre en lumière sa valeur heuristique. En effet, nous verrons que la