Dépersonnalisation du personnage et déconstruction du temps dans moderato cantabile et hiroshima mon amour
Le pronom, tout comme le nom, revêt une grande importance dans les dialogues de Hiroshima mon amour tout comme dans ceux de Moderato cantabile. Là où, dans Hiroshima, la problématique du nom et de l'identité sous-tend l'ensemble de l'œuvre et ne peut se départir d'une signification essentiellement symbolique, moins présente dans Moderato, le jeu des pronoms et des noms joue néanmoins un rôle de dépersonnalisation des locuteurs dans les deux œuvres. Lorsque le couple du japonais et de la française entament leur dialogue, dans Hiroshima, l'un et l'autre ne sont encore que pronoms:
- Tu n'as rien vu à Hiroshima, rien. - J'ai tout vu. Tout.
Tout au long de l'œuvre, ils s'appelleront ainsi. Ce n'est qu'à la fin, dans la dernière partie, qu'ils se donneront l'un à l'autre leurs noms:
- Hi-ro-shi-ma. C'est ton nom. - C'est mon nom. Oui. Ton nom à toi est Nevers. Ne-vers-en-Fran-ce.
Outre le fait que ces deux couples de répliques encadrent parfaitement la totalité de l'œuvre, soulignant l'importance de la problématique du nom et de l'identité des deux locuteurs et scellant par là-même la portée de leur destin, la dépersonnalisation opérée par ce biais, qui dissous les deux personnages dans les lieux dont ils sont originaires, est semblable à celle opérée dans Moderato. Anne Desbaresdes et Chauvin se donnent également leur nom l'un à l'autre (quoique dans un temps décalé), mais leur nom véritable:
- Vous êtes Madame Desbaresdes. La femme du directeur d'Import Export et des Fonderies de la Côte. Vous habitez boulevard de la Mer. (p31)
- [...] Je m'appelle Chauvin. - Je le savais. (p60)
Contrairement au couple de Hiroshima, ces noms sont comme vidés de leur substance, car ils n'éclairent en rien leur identité, là où Hiroshima et Nevers sont des noms lourds de symboles. La dissolution des personnages de Chauvin et d'Anne n'en intervient pas moins. (Dissolus cette fois non dans le lieu dont ils sont