Déclin ou évolution des conflits du travail ?
A en croire nombre de commentaires, les conflits du travail auraient disparu. La "fin de l'histoire", c'est-à-dire de la lutte des classes, ou le retour d'une concurrence économique sans pitié en seraient les principaux responsables. S'il est vrai que l'ère des grandes grèves ouvrières semble derrière nous, ces constats de décès sont très exagérés. Mesurés correctement, les conflits sont encore fréquents en France et sont en hausse depuis une quinzaine d'années. Ils prennent des formes nouvelles sur lesquelles les enquêtes statistiques nous renseignent depuis peu.
1 1. La fin d'une époque?
Les conflits du travail ont fortement reculé depuis les années 70: à l'époque, en laissant de côté les grands conflits interprofessionnels, on comptait 3 à 4 millions de journées de grève (*) chaque année dans le secteur privé, selon les fiches de conflit transmises par les inspecteurs du travail. Aujourd'hui, ce nombre est dix fois moins élevé. L'estimation du nombre des jours de grève en France n'est pas bonne et le point de comparaison est un point haut, les grèves étant plus fréquentes au début des années 70 que dans les années 50-60. Mais la chute est trop importante pour relever uniquement de problèmes de mesure. Cette baisse des conflits résulte en fait de la combinaison de plusieurs facteurs.
La détérioration de la situation économique est sans doute la première cause de l'atténuation de leur nombre. La croissance et l'inflation ont pendant longtemps donné aux entreprises la possibilité de satisfaire assez aisément les revendications, notamment salariales. Une dynamique positive se créait ainsi, la grève débouchant sur la hausse des salaires (et souvent sur le paiement des jours de grève). Le ralentissement de la croissance et l'exacerbation de la concurrence ont remis en cause cette dynamique. Dans le même temps, le chômage, lié au ralentissement de la demande, est devenu la préoccupation essentielle qu'affronte le