Du contrat social rousseau
Il n’est pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps du peuple détourne son attention des vues générales, pour la donner aux objets particuliers. Rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés dans les affaires publiques, et l’abus des lois par le Gouvernement est un mal moindre que la corruption du Législateur, suite infaillible des vues particulières. Alors l’État étant altéré dans sa substance, toute réforme devient impossible. Un peuple qui n’abuserait jamais du Gouvernement n’abuserait pas non plus de l’indépendance ; un peuple qui gouvernerait toujours bien n’aurait pas besoin d’être gouverné. À prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable Démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple reste incessamment assemblé pour vaquer aux affaires publiques, et l’on voit aisément qu’il ne saurait établir pour cela des commissions sans que la forme de l’administration change. En effet, je crois pouvoir poser en principe que quand les fonctions du Gouvernement sont partagées entre plusieurs tribunaux, les moins nombreux acquièrent tôt ou tard la plus grande autorité ; ne fût-ce qu’à cause de la facilité d’expédier les affaires, qui les y amène naturellement. D’ailleurs que de choses difficiles à réunir ne suppose pas ce Gouvernement ? Premièrement un État très petit où le peuple soit