RECUIL POEMES

L'Amour qui me tourmente
L'Amour qui me tourmente
Je trouve si plaisant
Que tant plus il s'augmente
Moins j'en veux estre exemt :
Bien que jamais le somme
Ne me ferme les yeux,
Plus amour me consomme
Moins il m'est ennuyeux.

Toute la nuit je veille
Sans cligner au sommeil,
Remembrant la merveille
Qui me tient en éveil,
Me représentant celle
Que je vois tout le jour,
De qui l'image belle
Travaille mon séjour.

Toute nuit son image
Se montre devant moi :
Le trait de son visage
Tout tel qu'il est je vois :
Je vois sa belle bouche,
Et je vois son beau sein,
Ses beaux tétins je touche,
Et je baise sa main.
Le jour si ma Maitresse
Favorable m'a ris,
Il faut que j'en repesse
Toute nuit mes esprits.
Si d'une œillade gaye
Elle m'a fait faveur,
La nuit sa douce plaie
Me chatouille le cœur.

S'elle égaye la place
De son bal gracieux,
Toute la nuit sa grace
Recourt devant mes yeux :
Si en douce merveille
J'ai ouïe sa chanson,
Toute nuit en l'oreille
J'en redoute le son.

O heureuse ma vie
De jouir d’une telle heure !
Non, non, je n'ay envie
D'avoir d'un dieu l'honneur,
Puis qu'à souhait je passe
Et la nuit et le jour,
Recueillant tant de grâce
Du tourment de l'amour.
Jean-Antoine de BAÏF (1532-1589)

Une amoureuse ardeur
Une amoureuse ardeur,
S'elle n'est feinte,
Ne chasse point du coeur
Soupçon et crainte.

Tel est l'état d'Amour
" Qui les liesses
" Echange tour à tour
" Et les tristesses.

Plus je suis amoureux,
Plus je soupçonne
Que ton cœur langoureux
Ailleurs s'adonne.

J'ay de toi bien souvent
Belles paroles,
Mais j'écris dans le vent
Telles frivoles.

Si pareille à ma foi
Es toit la tienne,
Tu essayerais dans toi
La peine mienne.

Comme en tant que je puis,
L'amour fidèle,
Dont obligé me suis,
Je te décelé,

Ainsi de ton pouvoir
Ton amour grande
Or tu me ferais voir
A ma demande.

Si ton cœur ne dément
Ta voix certaine,