Dissertation français
Ruy Blas fait quelques pas en chancelant vers la reine immobile et glacée, puis il tombe à deux genoux, l'oeil fixé à terre, comme s'il n'osait lever les yeux jusqu'à elle.
Ruy Blas, d'une voix grave et basse.
Maintenant, madame, il faut que je vous dise.
– Je n'approcherai pas. – Je parle avec franchise.
Je ne suis point coupable autant que vous croyez.
Je sens, ma trahison, comme vous la voyez,
Doit vous paraître horrible. Oh ! Ce n'est pas facile
À raconter. Pourtant je n'ai pas l'âme vile,
Je suis honnête au fond. – cet amour m'a perdu. –
2220 - Je ne me défends pas ; je sais bien, j'aurais dû
Trouver quelque moyen. La faute est consommée !
– C'est égal, voyez-vous, je vous ai bien aimée.
La Reine.
Monsieur...
Ruy Blas, toujours à genoux. N'ayez pas peur. Je n'approcherai point.
À votre majesté je vais de point en point
Tout dire. Oh ! Croyez-moi, je n'ai pas l'âme vile ! –
Aujourd'hui tout le jour j'ai couru par la ville
Comme un fou. Bien souvent même on m'a regardé.
Auprès de l'hôpital que vous avez fondé,
J'ai senti vaguement, à travers mon délire,
2230 - Une femme du peuple essuyer sans rien dire
Les gouttes de sueur qui tombaient de mon front.
Ayez pitié de moi, mon Dieu ! Mon coeur se rompt !
La Reine.
Que voulez-vous ?
Ruy Blas, joignant les mains. Que vous me pardonniez, madame !
La Reine.
Jamais.
Ruy Blas. Jamais ! Il se lève et marche lentement vers la table. Bien sûr ?
La Reine. Non, jamais !
Ruy Blas. Il prend la fiole posée sur la table, la porte à ses lèvres et la vide d'un trait. Triste flamme,
Éteins-toi !
La Reine, se levant et courant à lui. Que fait-il ?
Ruy Blas, posant la fiole. Rien. Mes maux sont finis.
Rien. Vous me maudissez, et moi je vous bénis.