Discrimination à l'embauche : comment exploiter les procédures de testing ?
Il est difficile de quantifier les comportements discriminatoires sur le marché du travail à l’aide des sources statistiques usuelles, qu’il s’agisse d’enquêtes ou de sources administratives. La principale difficulté découle de ce qu’il est impossible de parfaitement contrôler l’ensemble des variables déterminant l’accès à l’emploi. Les procédures de testing sont souvent présentées comme un substitut intéressant à cette approche. Mais l’analyse de leurs résultats présente elle aussi un certain nombre de difficultés méthodologiques. En particulier, une critique avancée par Heckman (1998) est qu’il est en général impossible de tenir compte de l’hétérogénéité individuelle des testeurs quand celle-ci est importante pour l’employeur mais pas repérée comme telle par le concepteur de l’expérience. Nous passons en revue dans cet article les différentes méthodes économétriques proposées dans la littérature consacrée à l’interprétation des expériences de testing. Nous illustrons ces différentes méthodes par une réexploitation de données collectées aux États-Unis par Pager (2003) concernant les conséquences du passé carcéral sur les chances d’accès à l’emploi, et l’interaction entre ce passé carcéral et la couleur de la peau. L’intérêt des données de Pager est que les mêmes testeurs y jouent alternativement le rôle de l’individu de référence et de l’individu potentiellement discriminé. Nous examinons dans quelle mesure un tel plan d’expérience permet de répondre à la critique de Heckman. En particulier, nous montrons que dans un cadre semi-paramétrique à la Manski (1987), il reste possible de tenir compte de l’hétérogénéité inobservée entre testeurs, mais alors seul le signe de l’effet est identifiable et pas son