DISCOURS SUR LA NEGRITUDE
Discours sur la Négritude,
1987
Ce discours prononcé à l'Université internationale de Floride redéfinit la «
Négritude
». Créé dans les années 1930, ce terme controversé visait à dénoncer le colonialisme et à revaloriser la culture africaine.
La Négritude, à mes yeux, n’est pas une philosophie.
La Négritude n’est pas une métaphysique.
La Négritude n’est pas une prétentieuse conception de l’univers.
C’est une manière de vivre l’histoire dans l’histoire- l’histoire d’une communauté dont l’expérience apparaît, à vrai dire, singulière avec ses déportations de populations, ses transferts d’hommes d’un continent à l’autre, les souvenirs de croyances lointaines, ses débris de cultures assassinées.
Comment ne pas croire que tout cela qui a sa cohérence constitue un patrimoine
?
En faut-il davantage pour fonder une identité
?
Les chromosomes m’importent peu. Mais je crois aux archétypes
1
.
Je crois à la valeur de tout ce qui est enfoui dans la mémoire collective de nos peuples et même dans l’inconscient collectif.
Je ne crois pas que l’on arrive au monde le cerveau vide comme on y arrive les mains vides.
Je crois à la vertu plasmatrice
1
des expériences séculaires accumulées et du vécu véhiculé par les cultures. Singulièrement, et soit dit en passant, je n’ai jamais pu me faire à l’idée que des milliers d’hommes africains que la traite négrière
2
transporta jadis aux Amériques ont pu n’avoir eu d’importance que celle que pouvait mesurer leur seule force animale- une force animale analogue et pas forcément supérieure à celle du cheval ou du bœuf- et qu’ils n’ont pas fécondé d'un certain nombre de valeurs essentielles, les civilisations naissantes dont ces sociétés nouvelles étaient en puissance les porteuses. C’est dire que la Négritude au premier degré peut se définir d’abord comme prise de conscience de la différence, comme mémoire, comme fidélité et comme solidarité.
Mais la Négritude n’est pas seulement passive.