GUILLON Yohan {text:date} ECRITURE D'INVENTION Discours de Victor Hugo à la Chambre des Pairs, le 22 février 1846 Debout devant la chambre des Pairs, Victor Hugo clama : « Ce matin même, j'ai assisté à une scène qui alluma en moi la flamme de l'indignation. Et c'est cette dernière qui me pousse à vous conter cette histoire ici-même. C'était aux alentours de midi, devant la caserne de la rue de Tournon. Un soldat escortait ce qu'il restait d'un homme souillé par la misère. Ses linges tachés de sang et de boue reflétaient l'image, non moins misérable, de sa tête pâle et maigre aux cheveux hérissé. Le pain, qu'il tenait vainement sous le bras, était la cause dérisoire de son arrestation. En face de lui, comme par provocation, était arrêtée une berline armoriée. On distinguait l'intérieur précieusement tapissé. Une belle duchesse en robe de velours y jouait et riait avec un charmant jeune enfant, enveloppé dans les rubans dentelles et fourrures. L'homme ignoré, et même méconnu, regardait cette femme, terriblement ! Messieurs les Pairs, nobles, bourgeois, gentilshommes. N'avez vous pas déjà ouvert les yeux en marchant ? Ne vous êtes vous jamais retourné pour voir cette masse de chair inanimée sur le pavé qui manquât de vous faire trébucher ? Vous avez sans nul doute déjà tous visé, d'un rapide coup d'oeil, celui qui vous fit changer de trottoir, celui qui sent trop mauvais pour qu'on lui parle, pour qu'on le frôle, pour qu'on le remarque. Celui qui vous regarde pourtant fixement depuis l'angle de la rue. Alors je vous en prie, tentez de vous remémorez leurs visages. Voyez ces hommes, ces femmes, ces enfants que jamais la charité ne sauvera.. Ce ne sont rien d'autres que vos semblables. Ce sont vos frères ! Parvenez vous ainsi, à imaginer ce que ce pauvre homme a pu ressentir à la vue de cette noble dame ? Eh bien messieurs, je vais vous dire ce que j'ai lu dans ses yeux... J'ai vu une colère démesurée. La colère d'un honnête homme qui regarde