Diangou
Vendredi 20 janvier 2006, 10 heures. Nous arrivons à la réception de l’hôtel « Holiday Inn », où nous avons obtenu de rencontrer Maître Jacques Vergès au lendemain de sa grande conférence sur « La Passion de défendre » prononcée au Palais des Congrès, devant un public de 1200 personnes. Tandis que, dans un menuet maladroit, nous nous échinons à trouver les places les plus confortables sur les banquettes de la cafétéria, les portes de l’ascenseur s’ouvrent, et il apparaît. D’une démarche lente mais déterminée, il s’approche. Le sourire est déjà malicieux, l’œil aux aguets. À la question de savoir s’il connaît Liège, il évoque d’emblée le « Torê », symbole fédérateur des beuveries estudiantines. Et pendant près de deux heures, Jacques Vergès va, pour nous, évoquer ses souvenirs, les destins qu’il a croisés (Mao, Sankhara, ses confrères défenseurs du FLN, Barbie, Schleicher), se laisser aller à narrer de savoureuses anecdotes ou décocher quelques traits lapidaires. Deux heures pendant lesquelles nous allons nous sentir hors du monde, et pourtant en son cœur même. Deux heures d’intensité et d’échange, qui nous ont prouvé que Vergès est réellement ce qu’il clame être : un homme curieux de tout ce qui concerne ses frères humains, soucieux d’écouter et de comprendre. Voici le compte-rendu partiel de cet entretien privilégié. Partiel, bien sûr, car comment rendre les intonations, les mimiques, les attitudes de ce personnage ? Comment prétendre dompter les louvoiements de sa pensée et de sa mémoire ? Vergès ne peut s’expliquer par aucune didascalie, aucune formule. Parce qu’il est simplement et souverainement vivant.
*** Jibrile : Vous insistez sur le fait que la stratégie de rupture ne consiste pas à briser les règles, mais à invoquer des valeurs supérieures au droit. Or, le droit est un rapport de force. Si vous vous placez dans les normes qui sont données, édictées au départ, même si vous prenez une position morale supérieure par