L’ORESTIE 1D’ESCHYLE De la Vengeance à la Justice et à la Médiation On a l’habitude de considérer la Vengeance comme une simple pulsion naturelle, à laquelle on oppose l’Institution du Droit et de la Justice. Les anthropologues du droit - qui ont étudié le problème de la vengeance sur les différents continents et à différentes époques apportent un certain démenti à ce lieu commun. La vengeance serait déjà une forme de justice qui aurait ses codes culturels. Ces anthropologues parlent de « systèmes vindicatoires » pour souligner la cohérence de ces institutions primitives2. En Grèce ancienne et en particulier dans l’Orestie d’Eschyle, la vengeance se présente comme justicière. Le vengeur (timaoros) est étymologiquement celui qui « veille sur l’honneur », une valeur essentielle pour les Grecs, liée à la dimension sociale de chacun selon son statut. Lorsque l’ordre social est transgressé - en particulier par un meurtre - il y a exigence d’un «châtiment» réparateur, équivalent au crime, qui restaure la trame sociale et reconstitue les repères collectifs. L’acte vengeur concerne donc autant la collectivité que l’individu. Il peut être sous-tendu par une passion vengeresse ou n’être exécuté que comme un devoir envers les autres et imposé par eux. C’est ce qu’Eschyle montre dans les deux premières pièces de sa trilogie.
« AGAMEMNON »
Dans la première tragédie, l’auteur met en scène une Clytemnestre, pour qui l’acte vengeur est vécu comme une « renaissance ». Elle n’a pas accepté le sacrifice de sa fille Iphigénie par Agamemnon, son père, pour un enjeu politique dérisoire : récupérer la belle Hélène enlevée par le troyen Paris ! Pour Clytemnestre, ce sacrifice est un « crime » qu’elle semble être la seule à dénoncer. Face aux Chœur des vieillards qui lui reprochent l’assassinat odieux de son époux Agamemnon, elle ose décrire sa jouissance au moment du meurtre : « Son sang jaillit vivement sous l’épée tranchante aussi douce à mon cœur que la rosée envoyée de Zeus l’est