TEXTE 1
Le champ s’étendait à perte de vue. Et c’était le champ de Kacou Ananzé. Les tiges d’ignames s’enroulaient autour des tuteurs, traînaient sur le sol, grimpaient au long des souches, des troncs d’arbres, des pieds de maïs. Toutes ces feuilles, toutes ces tiges alors grisés de fraicheur, de parfums, ivres d’air, de vitalité, ondulaient sous la brise câline. Et les ignames adoptaient de ces attitudes, de ces poses ! Elles faisaient des manières, les ignames, chaque jour arborant, affichant des nuances nouvelles, chaque heure prenant des teintes différentes, selon que le soleil se levait ou se couchait ; selon qu’au zénith, il brillait de tout son éclat, ou que le ciel était couvert. Les haricots et les tarots avaient ces teintes-là qui, à celles seules aiguisent l’appétit. Kacou Anazé ne se lassait pas de contempler les ignames, les gombos, les taros, les piments d’un rouge pivoine, les haricots dont les vrilles s’accrochaient ça et là, à des tiges, des brindilles, des pieds de maïs bavards, des bananiers venant avec force et dont les larges feuilles servaient de parasol aux autres plantes. (…) Les épis de maïs se laissaient peigner la barbe par le vent qui emportait des touffes. Et toutes les ignames remuaient leurs feuilles qui, commençant à sécher indiquaient la date prochaine de leur récolte. Du champ, les oiseaux volaient sur les arbres et de ceci, dans le champ, revenaient se poser sur les tiges, sur les branches, sur les brindilles, sur des troncs continuant à se consumer lentement depuis le jour où le feu avait été mis au champ. Bernard Dadié, Le pagne noir, Présence africaine, 1953
TEXTE 2
Nombreux sont ceux pour qui l’art n’est qu’un jeu, supérieur, certes mais un jeu, un amusement ; nombreux sont ceux qui ne le rêvèrent que par conformisme et avec un secret mépris pour son « inutilité ». Certains ne sont pas loin de considérer comme un luxe. Pourtant l’art une fonction essentielle de l’homme, indispensable à l’individu comme aux sociétés et