Descuatizador de aguacates
Je me suis mariée avec un dépeceur ( un équarrisseur ) d’avocats ... Lui, c’est un homme très gentil. C’est-à-dire qu’il ne me bat pas, qu’il ne dépense pas nos salaires au jeu, qu’il ne jette pas de cailloux sur les chats de gouttière. En ce qui concerne le reste, il est d’un égoïsme insupportable. Il sort du bureau et il s’allonge dans le canapé devant la télé. Moi aussi je sors du bureau, mais j’arrive à la maison deux heures plus tard et chargée comme une mule avec les courses du supermarché. Aide-moi, lui dis-je. J’arrive tout de suite, répond-il. Il ne dit jamais non directement. Mais moi je viens de monter tous les sacs et lui il n’a pas encore bougé son cul de son siège. Je vais dans la salle à manger, je crie sur lui, je l’insulte, je fais des moulinets dans le vide, je me casse un ongle. Et lui, il ne bouge même pas. Alors, je m’assieds sur une chaise de la cuisine et je me mets à pleurer.
Au bout d’un petit moment, il apparaît en chaussettes. « Qu’est-ce qu’il y a pour le dîner ? », demande-t-il avec sa voix la plus innocente. [...] « Je sais, je vais te préparer une salade, tu t’en lècheras les doigts ( les babines ) », s’exclame-t-il avec un air polisson. Cette salade d’avocats et de noix et de pomme qu’il aime tant. De sorte que je me calme parce que je suis idiote et, bien que je sois en train de rouspéter, je l’aide à sortir les assiettes, les fruits, les couteaux, et je lui attache dans le dos le tablier tandis qu’il garde les bras pompeusement tendus devant lui comme s’il était un chirurgien sur le point de réaliser une opération magistrale à cœur ouvert.
Alors, il commence à peler les avocats et moi, pour faire quelque chose, je lave et je coupe la laitue, j’émince l’oignon, je retire la coquille des noix et je les coupe, je transforme deux pommes en petits cubes. Je le regarde du coin de l’œil et lui, il continue à éplucher. De sorte que je sors les pommes de terre, je les