Criture D Invention
L’homme demeurait figé, vêtu d’un manteau sombre rasant la fange et lui raidissant les épaules, de telle sorte que sa posture, alourdie de ses accoutrements, longeait le sol bourbeux du quartier de Confluence. Il s’était adossé contre un mur délabré et recouvert peu à peu de mousse, qui dissimulait progressivement les briques rouges tachetées parfois d’un revêtement noir. Parfaitement immobile, il fixait les voûtes fumeuses d’où se dégageait une odeur quelque peu déplaisante. Cette vision, bien que sinistre, donnait sur les beaux-quartiers, mais ne paraissait guère pourtant attirer le vieil homme dont la barbe bien peignée trahissait son appartenance aux classes aisées du 1er arrondissement. Sa tenue maquillait son origine bourgeoise, mais son visage conservé démontrait un peaufinage qu’il était impossible de trouver dans ce quartier populaire de Perrache. Sa cravate en foulard ne suivait pas la mode courante et le tissu en coton et de couleur largement sobre démentait toute affiliation à la haute-société lyonnaise qui préférait se tapisser de soie. La chemise, elle aussi, semblait de coton mais son manteau en laine la recouvrait de telle manière que l’ensemble portait vers un foncé, éclairci partiellement par le scintillement du soleil levant. Sa tenue dans son ensemble, complétée par son chapeau melon, laissait supposer aux passants un homme de classe moyenne, comme on en trouve beaucoup au sud de la Presqu’île. Son cou étroit, étoffé par sa barbe grise, dessinait un homme âgé, mais son visage entretenu ne laissait paraitre aucune séquelle du temps passé. Son nez busqué surplombait sa moustache, qui maintenait encore quelques poils blonds. Ce teint avait cependant disparu à travers le reste de sa chevelure qui dépassait du chapeau. Ses yeux noirs et profonds évoquaient un homme d’esprit, dévoilant que sa réussite n’avait pu être acquise que par son propre intellect.