Cosmogonies
(Le Français Lucien Jerphagnon est professeur d'Université et spécialiste de la pensée grecque et romaine).
"La curiosité qu'attestent les traditions mythiques pour les premiers matins du monde est évidente. Quand nous tentons de remonter jusqu'au temps des Égyptiens, des Hébreux, des Grecs, des Romains, nous sommes conviés à entrer dans la problématique de sociétés où depuis belle lurette on avait réponse à la question des origines. Sans doute cela levait-il une grande part des perplexités : savoir comment tout avait débuté, c'était déjà ne plus aller à l'aveuglette dans un temps dont on n'est certes pas le maître, mais qui comporte des repères fiables, puisque transmis par des prédécesseurs vénérés qui jouissaient d'une certaine familiarité avec les dieux. Ils en avaient été les confidents, les notaires, les porte-parole. Même les enfants, dès l'école, savaient à quoi s'en tenir quant à ce qui s'était passé « au commencement, bereshit, en archè, in principio... ». Ce moment-là n'avait jamais cessé d'avoir des suites, et notamment l'aujourd'hui qu'ils vivaient avec leur père, leur mère et leurs petits camarades. Pour les enfants de ces siècles, le monde était aussi clair qu'aujourd'hui la descente du Père Noël pour la dernière de mes petites-filles.
Il est bien évident que l'image de ce ou de ces événements fondateurs varie selon les lieux, les climats, les peuples et les époques. La lecture des récits mythiques est - ô combien ! - instructive. En aura-t-on imaginé des scénarios pour le film du grand commencement ! [...] Toujours est-il que dans les récits dont nous avons connaissance, qu'il s'agisse de l'Épopée de Gilgamesh, de la Genèse, de la Théogonie d'Hésiode ou des Travaux et des jours, de l'Iliade d'Homère, de l'Énéide de Virgile, des Métamorphoses d'Ovide, du Popol Vuh, etc., les temps évoqués par les narrateurs ne sont ni un aujourd'hui ni à