Commentaire sur l'espace dans fin de partie de beckett
La plupart du temps, en tous cas chez les bons dramaturges, le lieu théâtral ne se réduit jamais à une simple indication topographique : il remplit toujours une fonction.
Tout comme avec le temps, la visée de Beckett n’est pas de donner l’illusion de reproduire le monde réel, il utilise les caractéristiques formelles et conventionnelles de l’espace théâtral, celui de la représentation, pour interroger la notion même d’espace et de perception.
Ainsi, Fin de partie se déroule dans un lieu abstrait : la didascalie initiale porte simplement l’indication « Intérieur sans meubles ». Seuls figurent des « accessoires » : les deux poubelles, le fauteuil à roulettes. Les murs ne sont pas explicitement évoqués, seule l’idée d’intérieur doit être représentée. Cette didascalie invite à une mise en scène dépouillée, dans une « Lumière grisâtre », teinte mal définie d’ailleurs (voir p. 46), choisie sans doute pour son aspect sinistre mais aussi pour sa neutralité même. Le décor doit ainsi contribuer à créer une réalité spécifique sur le plateau, et non permettre d’identifier un « style » ou une « époque », ni même un moment particulier de la journée.
Cet espace s’organise par une opposition entre la scène (le plateau proprement dit) et le « hors-scène », c’est-à-dire la cuisine de Clov, le monde extérieur et la salle où sont assis les spectateurs. Ces différents lieux existent tous dans le texte et la mise en scène.
- La cuisine est le lieu où Clov peut disparaître, partir sans partir, elle s’oppose un espace hors de vue au plateau, où l’on est vu (dans En attendant Godot, Beckett joue sur la polysémie du mot, faisant dire à ses personnages : « Nous sommes sur un plateau, servis sur un plateau. »). Elle est définie par ses dimensions parfaites : « Je m’en vais dans ma cuisine, trois mètres sur trois mètres sur trois mètres » (14), précisions géométriques qui répondent à celles du