Commentaire nietzsche. aurores la glorification du travail
Dans la glorification du “ travail ”, dans les infatigables discours sur la “ bénédiction du travail ”, je vois la même arrière pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu’on sent aujourd’hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu’un tel travail constitue la meilleure des polices, qu’il tient chacun en bride et s’entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l’amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l’on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l’on adore aujourd’hui la sécurité comme la divinité suprême.
Nietzsche. Aurores (1881), Livre III, § 173
Au tournant du XXème siècle, Nietzsche dénonce dans son livre Aurore la glorification du travail prônée par les sociétés de l'époque. Loin d'accuser le travail en tant que tel, il remet en question la suprématie qui lui est portée, tendant à en faire une valeur supérieure. Nietzsche définit lui-même le travail comme "le dur labeur du matin au soir", c'est-à-dire un effort sans relâche qui "bride" l'individu, qui l'aliène, le privant de toute autre activité, qu'il faudrait pour certains glorifier, honorer et louer. Il est alors paradoxal de se demander, passant outre le point de vue masochiste, comment le travail exténuant pourrait être ainsi glorifié. Il est possible de se demander si cette suprématie dénoncée par Nietzsche a effectivement pour but d'étouffer chaque individu et des les brider comme le ferait la meilleure des polices. Que recouvre réellement cette glorification du travail, par quelles idéologies