Les Essais de Montaigne écrient depuis son domaine, forment un ensemble de cent sept chapitres de taille variable répartis en trois livres riches et diversifiés, suivant le cours des lectures et réflexions de l’auteur. Faire « l’essai », c’est à la fois pour Montaigne mettre à l’épreuve son jugement devant ses expériences de vie et de pensée mais c’est aussi essayer au sens de tenter avec modestie, de rendre compte du cheminement de ses réflexions pour lui-même et ses proches. L’auteur créer ainsi un genre nouveau, libre, traitant des sujets variés sans prétendre en épuiser la matière de l’auteur. L’extrait du Livre I, « De l’amitié » écrit en 1850, analyse avec sincérité et finesse les liens profonds qui ont unis l’auteur et Etienne de la Boétie (il écrit 25 ans après la mort de La Boétie, décédé cinq ans après leurs rencontres.) L’auteur à travers un discours argumentatif, distingue tout d’abord cette « amitié sincère » des « simples accointances » puis il brosse le tableau touchant d’une union fusionnelle entre les deux hommes, enfin il élève leur rencontre au rang d’une nécessité « fatale » mais qui reste cependant, difficile à exprimer. C’est pourquoi nous nous demanderons en quoi l’amitié entre Montaigne et Etienne de la Boétie relève-t-elle de l’extraordinaire. Dans une première partie nous étudierons la présence du destin dans leur amitié, puis dans une seconde partie nous analyserons en quoi cette amitié se distingue des autres, enfin dans une dernière partie, nous verrons en quoi cette amitié est indicible.
Tout d’abord, l’amitié entre l’auteur et de la Boétie, était une amitié prédestinée, une rencontre soumise à une nécessité dépassant le discours. En effet, l’on peut constater une sorte de coup de foudre amical ou un amour fatal dont le destin les a liés. Cette amitié est jugée parfaite car elle est non préméditée « Nous nous cherchions avant que de nous être vus » (l.9-10). Ils devaient se trouver, il s’agit donc d’une union anticipée. Cette amitié