Commentaire du livre "incendies" de wajdi mouawad - scène 5
C’est le paradoxe entre la nécessité de parler et celle de se taire, entre le secret causé par la peur et l’aveu produit par la joie, qui dramatise fortement la scène. Les marques d’énonciation posent Nawal comme la détentrice d’un secret : Elle est celle qui sait par rapport à Wahab qui ne sait pas encore. Même si, dans cet extrait, Wahab ne parle pas, il est bien le point focal de la tirade de Nawal. La tirade, scindée en trois temps, est clairement destinée à Wahab que Nawal interpelle directement : son nom, premier mot de la réplique, y est prononcé deux autres fois. Cet aveu crucial est bien destiné à lui seul, comme en témoigne la multiplication des marques pronominales de la 2ème personne du singulier « tu », « toi », « te », … De plus, Nawal cherche frénétiquement Wahab à travers la forêt, prête à tout pour pouvoir lui parler, jusqu’à s’enfuir de chez elle en pleine nuit, comme le souligne le procédé stylistique de l’épiphore : « je t’ai appelé toute la nuit. J’ai couru toute la nuit. » Malgré la nécessité impérative de parler, Nawal renonce à hurler son secret pour le « dire à l’oreille » de celui à qui il doit être dit, ce qui place ce secret du côté de l’intimité amoureuse.
La tirade est entrecoupée de deux silences marqués par les didascalies « elle se tait » et « il l’embrasse », signes de la difficulté de faire cet aveu, mais aussi des pauses rythmiques dans son discours, donnant une dimension plus dramatique