Commentaire de texte alain
1. La thèse du texte est la suivante : des droits égaux et identiquement limités pour tous, telle est la seule forme de la justice civile. Le raisonnement qui l'établit est une démonstration, identifiable grâce aux connecteurs logiques qui apparaissent à la suite de l'énoncé de la thèse : « à moins que », « mais », « car », « donc ».
Analysons maintenant le contenu de ce raisonnement. D'abord une affirmation : « il n'y a pas de droits sans limites ». L'idée de droits y est associée par définition à celle de limites. Puis une précision est apportée : dans « l'état de liberté et de guerre » où chacun « se donne tous les droits » dans la mesure du possible et des forces en présence, l'usage de ces droits pourrait être sans limites. Mais un droit fondé sur la force physique est éphémère puisque toute force est fragile face à une autre force physique ; il ne s'agit alors pas d'un droit réel mais d'un abus de vocabulaire. Suit une objection : il n'est pas question de cet ordre exceptionnel de l'état de guerre, mais du cas plus général de l'ordre social. Là où la guerre recherche le déséquilibre, la société suppose au contraire l'institution d'un « système équilibré » durable et intelligible (qui sonne bien) : la justice. Les « circonstances », c'est-à-dire les réalités sociales, politiques et juridiques l'exigent. Les citoyens ont donc le droit de revendiquer que les droits soient égaux et identiques pour tous. Mais les vouloir sans limites est absurde.
2.
a) La question des droits (au pluriel, il s'agit des droits positifs, dans leur réalisation historique) est ici insérée dans le contexte de la société. Il ne s'agit pas d'une notion abstraite, d'un concept philosophique mais d'une pratique collective. Les droits sont ceux des uns et des autres, des uns qui ont à vivre avec les autres pour que, de l'altérité – vivre avec les autres –, on puisse passer à l'unité du « tout le monde ». Or l'exercice de droits sans limites ne pourrait être que le privilège