Chronique d'une mort annoncée
A ce que l’œil du monde peut voir de toi ne manque Rien que le cœur de l’homme puisse en pensée parfaire. Toute langue, voix de l’âme te rend cette justice, Vérité pure : tes ennemis pas moins n’en disent.
L’extérieure louange ton extérieur couronne, Pourtant ces mêmes langues, qui te rendent ton dû, Usant d’un autre ton détruisent ces éloges En voyant au-delà de ce que l’œil révèle.
Ils observent alors la beauté de l’esprit, Et d’après tes actions au jugé la mesurent ; Leurs yeux furent cléments mais malveillant l’esprit A ta fleur de beauté trouve une odeur infecte
D’herbe folle. Si l’odeur dément ton apparence, Le terrain en est cause : tu deviens trop commun.
Sonnet 70
Que l’on te blâme ne crée en toi aucun défaut, La calomnie toujours prend l’être beau pour cible ; Pour la beauté le soupçon même est ornement, Un corbeau qui traverse l’air le plus pur du ciel.
Si tu es bon, la calomnie en fait rehausse Ta valeur, courtisé que tu es par le temps, Car le chancre du vice aime les frais bourgeons Et c’est un printemps pur et sans tache que tu montres.
Aux embuscades de jeunesse tu as échappé, Sans être assailli, ou, quand tu l’étais, vainqueur ; Mais d’en être loué n’est louange assez forte Pour enchaîner l’envie qui toujours se déchaîne
Si le soupçon du mal ne jetait sur toi l’ombre,