Chapitre vi de la vieille et la ronsard
Le marchand entra là-dessus, et, ayant appris le sujet de la contestation, offrit la moitié de son lit à la Rancune, soit qu'il eût affaire à la Rappinière ou qu'il fût obligeant de son naturel. La Rancune l'en remercia autant que sa sécheresse de civilité le put permettre. Le marchand soupa, l'hôte lui tint compagnie, et la Rancune ne se fit pas prier deux fois pour faire le troisième et se mettre à boire sur nouveaux frais. Ils parlèrent des impôts, pestèrent contre les maltôtiers, réglèrent l'État et se réglèrent si peu eux-mêmes, et l'hôte tout le premier qu'il tira sa bourse de sa pochette et demanda à compter, ne se souvenant plus qu'il était chez lui. Sa femme et sa servante l'entraînèrent par les épaules dans sa chambre et le mirent sur un lit tout …afficher plus de contenu…
Quand nos comédiens arrivèrent, la chambre des comédiennes était déjà pleine des plus échauffés godelureaux de la ville dont quelques-uns étaient déjà refroidis du maigre accueil qu'on leur avait fait. Ils parlaient tous ensemble de la comédie, des bons vers, des auteurs et des romans. Jamais on n'ouït plus de bruit en une chambre, à moins que de s'y quereller; le poète, sur tous les autres, environné de deux ou trois qui devaient être les beaux esprits de la ville, se tuait de leur dire qu'il avait vu Corneille, qu'il avait fait la débauche avec Saint-Amant et Beys et qu'il avait perdu un bon ami en feu Rotrou. Mademoiselle de la Caverne et mademoiselle Angélique sa fille arrangeaient leurs hardes avec une aussi grande tranquillité que s'il n'y eût eu personne dans la chambre. Les mains d'Angélique étaient quelquefois serrées ou baisées, car les provinciaux sont fort endémenés et