cas La buanderie Loubert
André Cyr
UQTR
Montréal, le 15 décembre 1968
Maurice Loubert venait de terminer l’analyse du rapport annuel que son frère Roger lui avait remis au début de la matinée. Même s’il s’y attendait, le choc avait été rude : les chiffres parlaient d’eux-mêmes et n’avaient rien de bien réjouissant. Au cours de l’année écoulée, le volume hebdomadaire de chemises lavées et repassées à la buanderie avait chuté de 75 000 à 10 000. Le volume de nettoyage à sec avait aussi beaucoup diminué, quoique dans une proportion moindre, passant de 50 000 à 35 000 pièces par semaine. Malgré une réduction draconienne du nombre d’employés, l’entreprise connaîtrait une perte important pour une deuxième année consécutive.
– Qu’est-ce que tu vas faire ? lui avait demandé Roger en lui remettant son rapport.
Bonne question.
Maurice Loubert
Maurice Loubert est né à Montréal en 1926, l’aîné de trois enfants. La famille tenait une petite épicerie sur la rue Rachel au cœur de ce qui constitue aujourd’hui le Plateau MontRoyal. Le quartier avait alors une tout autre allure. La population se composait presque exclusivement d’ouvriers francophones travaillant pour la plupart au salaire minimum dans les manufactures du bas de la ville. Jusqu’à l’automne 1929, la famille Loubert était relativement prospère dans ce petit milieu. Puis le jeudi 24 octobre, la bourse de New York s’effondra, marquant le début de ce qui allait devenir la Grande Dépression. À une époque où il n’y avait aucune forme d’assurance-emploi ou de sécurité sociale, le taux de chômage dépassa rapidement les 25 %. Pour la première fois depuis des années, les salaires reculèrent. Les hommes qui gagnaient dix dollars par semaine en 1928 étaient bien contents d’en toucher sept en 1930. Dans les usines de textile, les couturières qui avaient la chance de travailler gagnaient à peine trois dollars par semaine.
La famille Loubert réussit à passer à travers la Crise à force d’efforts et de détermination.
Les Loubert n’étaient