Bonjour
Texte 5 : Henri MICHAUX, poèmes
TÉLÉGRAMME DE DAKAR
Dans le noir, le soir, auto dans la campagne.
Baobabs, Baobabs, baobabs, Plaine à baobabs.
Baobabs beaucoup baobabs baobabs près. loin, alentour,
Baobabs, Baobabs.
Dans le noir, le soir, sous des nuages bas, blafards, informes, loqueteux, crasseux, en charpie, chassés vachement par vent qu'on ne sent pas, sous des nuages pour glas, immobiles comme morts sont les baobabs.
Malédiction!
Malédiction sur CHAM!
Malédiction sur ce continent!
Village village endormi village passe
De nouveau dans la plaine rouverte: Baobabs
Baobabs baobabs baobabs
Afrique en proie aux baobabs!
Féodaux de la Savane. Vieillards-Scorpions.
Ruines aux reins tenaces. Poteaux de la Savane.
Tams-tams morbides de la Terre de misère.
Messes d'un continent qui prend peur
Baobabs.
Village
Noirs
Noirs combien plus noirs que de hâle
Têtes noires sans défense avalées par la nuit.
On parle à des décapités les décapités répondent en " ouolof " la nuit leur vole encore leurs gestes.
Visages nivelés, moulés tout doux sans appuyer village de visages noirs village d'un instant village passe Baobab Baobab Problème toujours là, planté. Pétrifié - exacerbé arbre-caisson aux rameaux-lourds aux bras éléphantiasiques, qui ne sait fléchir.
Oh lointains
Oh sombres lointains couvés par d'autres Baobabs Baobabs, Baobabs, Baobabs Boobabs que je ne verrai jamais répandus à l'infini. Baobabs.
Parfois s'envole un oiseau, très bas, sans élan, comme une loque
Un Musulman collé à la terre implore Allah
Plus de Baobabs. Oh mer jamais encore aussi amère Le port au loin montre ses petites pinces (escale maigre farouchement étreinte).
Plus plus plus de baobabs baobabs baobabs peut-être jamais plus baobabs baobabs