Bonheur
En tant qu’"idéal de l’imagination" (Kant), le bonheur ne peut-il être que repoussé ? Si on ne peut définir le bonheur, si on ne sait pas ce que c’est, a-t-on des chances de le trouver ? L’attente est-elle justifiée ? Qu’est-ce qui la fonde ? Quelle en est la cause ? Cette attente ne serait-elle pas indéfiniment reportée dans la mesure où l’on ne pourrait pas donner de réponse conceptuelle, universelle, stable et nécessaire du bonheur ?
D’où les réponses traditionnelles apportées par la religion : on doit attendre la vie après la mort pour être heureux, bienheureux (notre bonheur futur serait lié à la vie que nous vivons ici-bas).
À cela, on peut opposer la perspective marxiste : c’est ici et maintenant qu’il faut être heureux. Le bonheur dépend de nous. Faire croire à une vie future, faire croire que le bonheur n’est pas de ce monde, et que la vie ici-bas est une "vallée de larmes", avantage ceux qui bénéficient de l’organisation économique et sociale telle qu’elle est en place, et détourne les opprimés de la recherche du bonheur (car cela impliquerait évidemment un bouleversement de l’organisation économico-sociale). Faut-il attendre de mériter le bonheur pour le rechercher ? Suffit-il d’attendre le bonheur ? N’est-ce pas à chacun de le créer, de s’en approcher ? N’est-ce pas parce qu’on n’est jamais sûr de l’avoir atteint qu’on l’attend toujours, ou plutôt qu’on cherche toujours à le construire ? Est-ce un mal ? Le manque et l’incertitude de posséder le bonheur ne sont-ils pas le moteur de l’existence