Il importe de ne pas semer le doute: nombreux sont les textes de théâtre auxquels aucune mise en scène n' a jamais réussi à faire changer un seul iota. De manière générale, on peut dire que plus un texte de théâtre fait partie du canon des grands classiques, moins il s'expose à subir des changements causés par la mise en scène. Ainsi Les Fourberies de Scapin de Molière ont été mis en scène en 1981 par Marcel Maréchal à Marseille et en 1990 par Jean-Pierre Vincent à Nanterre. Dans les deux cas, la brochure de programme reproduit fidèlement le texte de Molière, en le complétant par les indications de régie, annotations et commentaires du metteur en scène (notes manuscrites dans la marge du texte dans le cas de Maréchal): respect absolu du texte, liberté considérable de la mise en scène. L'histoire a en quelque sorte consacré le texte, l'a rendu intouchable. Le cas peut être différent quand l'auteur participe lui-même à la mise en œuvre de la représentation ou quand il l'assure complètement lui-même. Mais là encore, il faut le rappeler, l’effet en retour – celui de la mise en scène sur le texte – est loin d’être systématique. On sait par exemple à quel point le dramaturge Vinaver dénie à la mise en scènetout pouvoir d’intervention . Et on se souvient qu’un auteur comme Samuel Beckett, pourtant convaincu du jeu interactif entre texte et représentation (voir infra), a désavoué totalement la mise en scène de Fin de partie proposée par Gildas Bourdet à la Comédie Française.
Il n'est pas étonnant qu'un auteur se laisse tenter par un rôle dans une de ses propres pièces9 : jeu de miroir entre l'auteur, ses fantasmes et l'image d'un personnage de fiction. Ainsi Harold Pinter, essentiellement dramaturge, mais également acteur ou metteur en scène à ses heures, s'est-il, à l'occasion de la deuxième mise en scène (en 1969, réalisée par Stephen Hollis à Watford) attribué à lui-même le rôle de Lenny dans sa pièce Le Retour. Il décrit cette expérience dans les termes suivants: