biographie
FRANCIS BACON ET LE PAPE INNOCENT X (1953)
Diego Velasquez - Portrait du pape Innocent X (1650)
Francis Bacon - Étude d'après le portait du Pape Innocent X de Vélasquez (1953)
“Innocent X dans la situation d’un condamné à mort sur son saint-siège transformé en chaise électrique, ne va pas de soi.
Surtout si on strie la toile d’une pluie de plis bruns et jaunes, tout en fonçant dans sa bouche ouverte en trou noir (ici, Bacon constate calmement son échec : il aurait fallu, dit-il, traiter cette béance comme un soleil couchant de Monet). On ne se contente pas de mettre des moustaches à la Joconde en insinuant, sous forme de rébus plaisant, qu’elle a chaud au cul, on électrocute une image de pape pour lui faire prendre la mesure du temps écoulé depuis le dix-septième siècle. Depuis le Cogito, en somme, qui a cru pouvoir mettre l’être sous la coupe de la représentation. Justement : ça ne marche plus, on décroche, il faut aller voir ailleurs.
Le plus inattendu est que les « papes » de Bacon ne sont nullement caricaturaux ou ridicules, au contraire, pas plus que ses crucifix ne sont des blasphèmes ou des parodies. On peut même dire que ces vieilles figures de la tradition reçoivent, à travers cette profanation ou ce saisissement érotique, un coup de fouet inquiétant. Après tout, un pape, s’il savait (et il ne peut pas ne pas se douter de quelque chose), crierait peut-être à mort, de la sorte, dans un studio d’enregistrement mondial. La
Joconde était un travesti, soit, et son fondement une idéalisation illusoire de l’éternelle et trompeuse Maman. Le pape, lui, est assis sur un drôle de volcan. L’essentiel est de démontrer qu’aucune pose n’est plus envisageable. Ni pose ni pause. Le portrait officiel n’a plus cours comme indice de vérité. C’est même la raison qui va fonder non pas un tabou du portrait mais sa réinvention nécessaire.” (Philippe Sollers)
Autre étude de Francis Bacon (1953)